J’aimerais aujourd’hui vous parler de la déesse protectrice de la forêt d’Ardenne, que l’on nomme Arduinna. C’est une déesse de la mythologie celtique autrefois vénérée par les Gaulois. Elle est associée à la forêt d’Ardenne, une vaste région boisée qui s’étendait autrefois entre la Moselle, le Rhin et le pays des Nerviens (peuple de la Gaule belgique). Dans les manuscrits latin, on peut également rencontrer les graphies Ardenna, Ardoenna, Ardinna et Ardane, Ardene. Grégoire de Tours utilisait quant à lui la graphie Ardoennensis Sylva.
Origine du nom et étymologie
Le nom « Arduinna » dérive du gaulois arduo, signifiant « hauteur », ce qui pourrait faire référence aux hauteurs boisées du massif des Ardennes. Une autre interprétation étymologique associe son nom à l’ours, suggérant une connexion avec des divinités ursines comme Artio.
Rôle et symbolisme d’Arduinna
Arduinna est principalement connue comme la déesse des forêts, de la chasse et des bois. Elle protège la faune et la flore et veille sur leur abondance. Elle est aussi la protectrice de la forêt d’Ardenne. Avec l’influence romaine, Arduinna a été assimilée à Diane (ou Artémis chez les Grecs), la déesse romaine de la chasse et de la lune. Cette assimilation a permis à Arduinna de continuer à être vénérée sous une forme syncrétique dans le panthéon gallo-romain.
Culte et héritage
Le culte d’Arduinna était particulièrement présent dans les régions des Ardennes et chez les peuples belges. L’un des sanctuaires les plus célèbres dédiés à Arduinna se trouvait au mont Saint-Walfroy, situé entre Margut et Sedan. Malgré l’arrivée du christianisme et les invasions barbares, certaines traces de son culte ont perduré jusqu’au Moyen Âge avant d’être progressivement supplantées par le christianisme.
Bien que le christianisme ait progressivement remplacé ces cultes païens, certains aspects du culte d’Arduinna ont perduré jusqu’au Moyen Âge avant d’être interdits par l’Église catholique. Si cela vous intéresse, j’ai d’ailleurs rédigé un article spécifique concernant les origines païennes des fêtes chrétiennes.
Pour la petite histoire, une légende raconte qu’Arduinna, sous l’aspect de Diane, fut surprise au bain par le chasseur Actéon. Outrée, elle le transforma en cerf, et ses propres chiens le dévorèrent. Cette histoire illustre le pouvoir et la nature vindicative de la déesse lorsqu’elle est offensée.
La représentation Arduinna
Arduinna est souvent représentée chevauchant un sanglier, un symbole fort de sa connexion avec le monde sauvage. Toutefois, certains spécialistes remettent en question l’authenticité de certaines représentations associées à elle.
En effet, en 1885, le Musée d’Archéologie nationale (M.A.N.) a acquis une statuette en bronze lors d’une vente publique, décrite par l’expert Wilhelm Froehner comme représentant Diane chasseresse assise sur un sanglier en mouvement. Dans son évaluation, Froehner établissait un lien avec Arduinna, la déesse des Ardennes. Cette identification avait été largement acceptée par les experts et historiens, qui ont associé la statuette à la déesse Arduinna.
Une représentation remise en cause
Cependant, plusieurs éléments viennent remettre en question cette interprétation. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je n’ai pas mis cette statuette pour illustrer cet article. Selon S. Deyts, elle provient du Jura plutôt que des Ardennes et aurait été « baptisée noblement Arduinna » par l’un de ses propriétaires sans preuve historique solide pour étayer cette affirmation.
Par ailleurs, l’association entre le sanglier et les Ardennes est relativement récente et relève davantage du folklore local que d’une réalité historique. En effet, le sanglier est un motif courant dans la statuaire gallo-romaine et apparaît dans diverses régions, que ce soit sur des statuettes en bronze, des enseignes militaires ou des monnaies. Face à ces éléments contradictoires, le Musée d’Archéologie nationale avait progressivement révisé sa position. La provenance de la statuette avait de ce fait été corrigée pour indiquer le Jura, et l’appellation « Arduinna » a été abandonnée et retirée des vitrines du musée.
Un peu de mystère
Si vous avez l’opportunité de vous aventurer dans les magnifiques forêts de l’Ardenne, gardez à l’esprit qu’elles ne se résument pas uniquement aux combats héroïques qui s’y déroulèrent pendant la Seconde Guerre mondiale. Elles furent également, bien avant cela, le territoire sacré d’une divinité majeure de nos ancêtres celtes, la déesse Arduinna, figure emblématique de la nature et protectrice de ces terres.
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Ressources utilisées pour rédiger cet article
-Bulletin de la Société de sciences naturelles et d’archéologie de la Haute-Marne, numéro de janvier 1996 consultable ici : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k65642675/f8.image.r=arduinna?rk=85837;2#
-Société archéologique champenoise, édition de 1991, consultable ici : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9617448x/f95.item.r=arduinna#