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La vie dans la marine à voile du XVIIe au XIX siècle

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Les marins sont pour moi un exemple de détermination et de courage. Même s’il est plus facile de vivre à bord d’un navire au XXIe siècle, il faut tout de même être fait d’une sacrée trempe pour quitter la terre ferme pendant parfois plusieurs semaines.

Je souhaite dans cet article m’attarder sur la vie et la survie des marins pendant la grande époque de la marine à voile, c’est-à-dire du XVIIe jusqu’au milieu du XIXe siècle. La vie à bord de ces vaisseaux de bois offre selon moi de précieuses leçons sur la résilience humaine et permet de relativiser certaines choses.

Je m’attarderai davantage sur la marine de guerre que sur la marine marchande. Les conditions de vie y étaient beaucoup plus difficiles.

La promiscuité, le vivre ensemble imposé

Il va sans dire que le confort des matelots n’était pas prioritaire à bord de ces navires. Les espaces à bord étaient limités et chaque mètre carré était précieux. Les marins devaient cohabiter dans des conditions étroites et souvent inconfortables, créant ainsi une intimité forcée qui mettait à rude épreuve leur capacité à vivre ensemble.

La concentration des hommes était beaucoup plus élevée dans la marine de guerre que dans la marine marchande. On comptait en moyenne 12 à 14 tonneaux d’espace par homme sur un navire marchand qui traversait l’Atlantique avant la Révolution française. Sur un vaisseau de 74 canons à la fin du XVIII, la moyenne était d’à peine trois tonneaux par homme. Sans parler des galères et négriers où les matelots dormaient à leur poste de travail.

Et encore, ces moyennes ne prennent pas en compte l’espace alloué aux animaux : vaches, cochons, poules. Dans l’ouvrage La grande époque de la marine à voile, malheureusement épuisée, Martine Acerra et Jean Meyer rappellent à juste titre : “que l’on s’imagine, sur 60 mètres de long au maximum, au moins 20 de large, sur trois étages, où, parfois, l’on ne peut se tenir debout, quelque 750 hommes, plus de 30 à 40 vaches, autant et plus de cochons, toute une basse-cour supplémentaire, de plus en plus de canards, qui ne subissent pas le mal de mer, que des poules, qui en grèvent, le tout dans un amoncellement des provisions, des câbles, des caisses, des canons, et la fiente des animaux.

Cette promiscuité à bord des navires à voiles n’était pas sans conséquence sur la vie des marins. Les tensions et les conflits pouvaient facilement éclater en raison de l’espace restreint et de la fatigue accumulée lors des longues traversées. Cependant, cela pouvait aussi favoriser des liens étroits entre les membres de l’équipage, une solidarité nécessaire pour faire face aux rigueurs de la vie en mer.

La discipline obligeait ces hommes qui étaient parfois enrôlés de force à vivre ensemble. Ils n’avaient pas le choix : ils étaient tous dans le même bateau. (Bon, elle était facile celle-là.)

Une discipline indispensable à bord des navires

Pour maintenir l’ordre et assurer le bon fonctionnement de l’équipage, une hiérarchie était établie et des règles strictes étaient imposées. Chaque matelot devait se conformer à des routines, respecter les ordres de leurs supérieurs et suivre des protocoles. La ponctualité, la rigueur et l’obéissance étaient des valeurs primordiales à bord des navires, car tout écart pouvait compromettre la sécurité de l’équipage et du navire lui-même. La discipline était maintenue par des punitions sévères en cas d’infraction.

Dans un contexte militaire, où la discipline est essentielle, le non-respect des règles et des ordres pouvait entraîner un chaos et une inefficacité générale. De plus, le manque de discipline pouvait également conduire à une baisse de la morale et de la motivation de l’équipage. Lorsque les règles et les normes ne sont pas respectées, il peut en résulter un sentiment d’injustice et de frustration parmi les marins qui se comportent de manière responsable. Cela peut créer des tensions internes, des conflits et une désunion au sein de l’équipage, ce qui affaiblit l’esprit d’équipe et peut influer sur la performance globale du navire.

Des conditions d’hygiène difficiles

La promiscuité entraîne aussi des problèmes d’hygiène. Les hommes faisaient leurs besoins à l’avant du navire, sur les claires-voies des poulaines. C’est aussi l’endroit où l’on s’occupait du linge. Des matelots pouvaient se faire emporter par la mer.

L’humidité était omniprésente sous les points et c’était pire en cas de gros temps. Les vêtements des hommes étaient constamment humides. L’odeur des soutes de cale était difficilement soutenable. À bord des négriers, la situation était bien pire encore. Les matières fécales, l’eau infiltrée putride et les détritus stagnaient et le tout “formait une matière en semi-fermentation permanente, qui bouche souvent les pompes” indiquent les auteurs de l’ouvrage La grande époque de la marine à voile. Les armateurs étaient conscients que les épidémies pouvaient leur faire perdre beaucoup d’argent. Ils préconisaient certaines mesures que l’on pourrait considérer comme en avance sur leur temps : se laver, se brosser les dents, danser pour être en mouvement, désinfecter en se parfumant.

Les corvées de nettoyage des ponts étaient bien exécutées mais accentuaient toujours plus l’humidité du navire. Les épidémies étaient courantes.

Des maladies multiples

Les conditions de vie à bord des navires, souvent surpeuplés et insalubres, étaient propices à la propagation de maladies. Le typhus, causé par la bactérie Rickettsia prowazekii, se transmettait par les poux et puces présents dans les vêtements et la literie des marins. Un hamac était généralement utilisé par deux voire trois matelots à tour de rôle. En outre, pour éviter la prolifération des rongeurs, les vaisseaux voyageaient avec des chats mais ces derniers se reproduisaient. Ces différents facteurs ont favorisé la propagation du typhus. Les premiers symptômes incluaient de fortes fièvres, des maux de tête intenses et des éruptions cutanées. Si la maladie n’était pas traitée, elle pouvait entraîner des complications graves, voire la mort.

De même, la typhoïde, provoquée par la bactérie Salmonella typhi, menaçait aussi les matelots. Cette maladie se transmettait par l’ingestion d’eau ou d’aliments contaminés par des excréments humains infectés. Les symptômes comprenaient de la fièvre persistante, des maux de tête, des douleurs abdominales et l’apparition de tâches rosées sur le corps. La typhoïde pouvait également entraîner des complications potentiellement mortelles, notamment des perforations intestinales.

Ces épidémies de typhus et de typhoïde étaient dévastatrices pour les équipages des navires de guerre. Les conditions de promiscuité, le manque d’hygiène et les ressources limitées rendaient difficile le contrôle de la propagation de ces maladies. Les marins affaiblis par les voyages en mer, le manque de nutrition adéquate et les conditions de vie précaires étaient particulièrement vulnérables.

J’aimerais terminer cette partie concernant les maladies infectieuses par un passage de l’ouvrage la grande époque de la marine à voile : “Ce fut, au cours des années 1793-1795, surtout à Brest, effroyable. Que l’on imagine, à bord de ces vaisseaux armés 750 à 1 000 hommes, de quatre à sept cents grands malades, édentés, saignants, prostrés, encombrant les sombres réduits sanitaires, le tout dans une odeur aggravant singulièrement la “senteur” habituelle, déjà difficilement supportable, que l’on couvrait, plutôt mal que bien, dans un déluge d’eaux parfumées (quand on en avait), ou le “parfum” de n’importe quoi, soufre compris, dans les vomissements, les urines et les déjections. Ce fut, par moments, voyages apocalyptiques, lente procession de navires d’ombres, nombre d’entre eux, effectuant avant que de mourir le plus extraordinaire des actes de courage surhumain : la difficile manœuvre d’un navire à voiles. La vie déjà difficile en temps “ordinaires”, devenait alors simplement épouvantable. Beaux navires ailés, traînant une infinie misère. Les soigneurs, quels qu’ils fussent, tombaient comme des mouches, n’y pouvant plus grand chose. Et pour nourrir en moribonds, ces malades, ces matelots déjà parqués par le sceau de la maladie et de la mort, rien qu’une eau croupie, et une nourriture souvent épouvantable.

Nourriture riche en calories, mais peu variée

Les marins avaient besoin d’un apport calorique conséquent pour effectuer les différentes tâches demandées. Les rations officielles des différentes marines se situent environ à 5 000 calories par jour, ce qui est bien au-delà des rations connues des autres catégories sociales. Ne pas nourrir suffisamment un équipage comportait des risques allant de la baisse de moral à la mutinerie. Les capitaines en étaient conscients et ne diminuaient les rations qu’en cas d’extrême nécessité.

Cependant, ces rations étaient nutritivement très pauvre : faible apport en vitamines et minéraux. Voici l’exemple tiré du même ouvrage précédemment cité de la ration mensuelle d’un marin suédois au XVIIe siècle :
– pain : 13 kilos
– haricots : 18 litres
– bière : 96 litres
– viande : 3,4 kilos
– porc : 1,6 kilo
– poisson séché : 2,5 kilos
– poisson salé : 6,8 kilos
– beurre : 820 grammes
– fromage : 820 grammes
– sel : 820 grammes
– farines : 9 litres

La part du pain dans la marine de guerre française a été beaucoup plus importante. La bière était quant à elle remplacée par le vin et la ration était au moins de 1 litre par jour et par matelot. Le vin se conserve mieux mais enivrait davantage que la bière, qui par ailleurs avait l’avantage de protéger du scorbut. En revanche, la bière peu alcoolisée se conservait difficilement.

En bref, la majorité des calories provenait donc du pain et de l’alcool. Les aliments frais tels que les légumes et les fruits sont consommés aux escales. En ce qui concerne les animaux embarqués, ils servaient avant tout à nourrir l’état-major du vaisseau.

Cette alimentation très pauvre en aliments frais entraînait l’apparition du scorbut.

Un mot sur le scorbut

Le scorbut est une maladie nutritionnelle causée par une carence en vitamine C (acide ascorbique) dans l’alimentation. Les premiers symptômes comprenaient la fatigue, les douleurs articulaires, les saignements des gencives et des plaies qui ne guérissaient pas. À un stade avancé, le scorbut entrainait le déchaussement des dents, des hémorragies internes et même la mort. Intuitivement, il était connu que la choucroute, la bière, le citron ou la viande fraiche évitaient l’apparition de la maladie, mais on ne savait pas pourquoi.

La compréhension de l’importance de la vitamine C dans la prévention du scorbut a conduit à l’introduction de mesures préventives à bord des navires de guerre, telles que l’inclusion de provisions riches en vitamine C, notamment des agrumes et des légumes frais.

Cette mesure a permis de réduire considérablement l’incidence du scorbut et d’améliorer la santé des marins lors des longues traversées en mer.

Aussi incroyable que cela puisse paraître, le scorbut est une maladie qui apparaît à nouveau dans les pays développés.

Si l’épopée de la marine à voile vous intéresse, j’ai quelques recommandations de sagas maritimes à lire au coin du feu.

Les sagas maritimes

Bolitho

saga maritime bolitho
Premier tome (sur un total de 29) à consulter ici.

La saga maritime de Bolitho d’Alexander Kent est une série captivante d’aventures navales qui transporte les lecteurs dans le monde tumultueux de la Royal Navy au cours des XVIIIe et XIXe siècles. Écrite avec un souci du détail historique et une profonde compréhension de la vie en mer, la saga de Bolitho suit les exploits du capitaine Richard Bolitho, un homme courageux et dévoué à son devoir.

L’action de la saga commence avec le jeune Richard Bolitho qui sert en tant que midship dans la marine britannique. Alors qu’il gravit les échelons de la hiérarchie navale, Bolitho se retrouve confronté à une série de défis et de dangers, que ce soit lors des batailles navales épiques contre les forces ennemies, les tempêtes déchaînées ou les intrigues politiques au sein de la Royal Navy elle-même.

Tout au long de la saga, Alexander Kent offre aux lecteurs une description immersive de la vie en mer, des descriptions saisissantes des navires majestueux, des combats navals intenses et des personnages complexes. Bolitho lui-même est un protagoniste charismatique, doté d’un sens aigu de la justice et d’un amour profond pour la mer. Il est constamment testé dans sa loyauté envers la Couronne et dans ses relations avec ses subordonnés et ses supérieurs hiérarchiques.

Ce qui distingue vraiment la saga maritime de Bolitho, c’est l’attention portée aux détails historiques et la manière dont Kent parvient à insuffler une véritable vie à cette époque révolue. Les lecteurs sont plongés dans les rituels et les traditions de la marine britannique, avec des descriptions minutieuses des uniformes, des armes et des stratégies navales de l’époque. Kent parvient également à rendre compte des réalités difficiles de la vie en mer, avec les longues périodes d’ennui, les maladies, les tensions entre les membres de l’équipage et les épreuves constantes auxquelles sont confrontés les marins. Il y a pour le moment 29 tomes. Vous pouvez acheter le premier tome ici.

Capitaine Hornblower

saga maritime hornblower
Tome 1 sur 2, consultable ici.

La saga maritime du Capitaine Hornblower est une série captivante de romans historiques écrits par C.S. Forester qui nous entraîne dans les aventures épiques d’un marin anglais du XVIIIe siècle. Le personnage principal, le Capitaine Horatio Hornblower, est un homme d’une grande intelligence, d’un courage indomptable et d’une expertise maritime exceptionnelle. Au fil des nombreux tomes de la saga, nous suivons le Capitaine Hornblower depuis ses débuts en tant que jeune aspirant de marine jusqu’à sa montée en grade en tant que capitaine de vaisseau, en passant par ses exploits héroïques lors des guerres napoléoniennes.

Les romans décrivent de manière vivante et détaillée la vie à bord des navires de guerre britanniques de l’époque, avec leurs équipages hétéroclites et leurs batailles navales haletantes. Le Capitaine Hornblower se trouve confronté à des défis de taille, que ce soit la capture de navires ennemis, la lutte contre les tempêtes déchaînées, ou encore les jeux politiques au sein de la marine royale. Il doit prendre des décisions difficiles, faire preuve de leadership et maintenir le moral de ses hommes, tout en préservant l’honneur de la Couronne britannique.

Ce qui rend la saga du Capitaine Hornblower si fascinante, c’est la profondeur du personnage principal. Hornblower est un homme complexe, tourmenté par ses doutes et ses peurs, mais qui surmonte constamment ses épreuves avec bravoure. Il est également profondément humain, avec ses imperfections et ses faiblesses, ce qui le rend d’autant plus attachant pour les lecteurs.

Au-delà des batailles et des aventures palpitantes, la saga du Capitaine Hornblower offre également une réflexion sur la condition humaine, la nature du leadership et les dilemmes moraux auxquels chacun peut être confronté. Les romans explorent des thèmes tels que l’honneur, le devoir, la loyauté et le sacrifice, tout en dressant un portrait réaliste de la vie à bord des navires de guerre de l’époque. Vous pouvez jeter un œil au tome 1 ici.

Les aventures de Gilles Belmonte

pour les trois couleurs, livre de fabien clauw
Premier tome sur cing pour le moment. Consultable ici.

Je termine cette sélection par les ouvrages de Fabien Clauw. Un auteur français qui nous permet enfin de vivre ces aventures du point de vue français. Malheureusement, je n’ai pas encore eu le temps de commencer à lire ses ouvrages, mais je mettrai à jour cet article dès que ce sera fait.

Yvann Robinet
Yvann Robinethttps://bosquetsauvage.com
Je souhaite transmettre mes connaissances relatives aux plantes, partager mon intérêt pour l'autonomie et le développement de soi, promouvoir la connexion entre l'humanité et le monde naturel, remettre au goût du jour les mythes, les contes et les traditions anciennes. Actuellement élève de deuxième année au Collège Pratique d'Ethnobotanique (créé par François Couplan), je proposerai prochainement des activités sur le terrain dans le massif des Ardennes. Je vous en parle bientôt...

Le saviez-vous ?

En Irlande, on avait l’habitude de consulter les esprits du lieu avant de construire sa maison. Quatre bâtons ou quatre tas de pierres étaient installés la veille au soir. S’ils étaient intacts le lendemain matin, la construction pouvait débuter. Dans le cas contraire, il fallait choisir un autre emplacement.

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