Vous souhaitez fabriquer une corde ou de la ficelle en pleine nature ? Vous êtes au bon endroit. Il est difficile de se passer de cordages en survie ou sur un bivouac : une corde est indispensable pour suspendre son hamac ou son sac de nourriture, fabriquer un trépied ou son abri. Encore faut-il savoir maîtriser les nœuds de base, mais j’ai déjà rédigé un article là-dessus si cela vous intéresse.
Il est plus pratique d’acheter de la paracorde mais on ressent beaucoup de satisfaction à l’idée de créer ses propres cordages en toute autonomie. Après tout, pourquoi pas ? C’est aussi un moyen ludique de montrer à ses enfants une technique utilisée par les générations précédentes. Vous développez au passage une nouvelle compétence et aurez ainsi davantage confiance en vos capacités d’adaptation, au cas où.
Fabriquer une corde dans la nature grâce aux plantes
S’il est possible d’utiliser le liber (l’écorce interne du tilleul), l’écorce de la clématite des haies (la seule liane qui pousse en Europe) et les racines de certains arbres, je vous recommande d’utiliser une plante bien plus abondante que vous connaissez déjà et qui pousse certainement à côté de chez vous. Il s’agit de la grande ortie (Urtica dioica), une plante dont l’usage remonte à des milliers d’années.
L’utilisation des fibres d’ortie : un usage ancestral
Les premières traces d’utilisation des fibres d’ortie pour la fabrication de textiles ont été découvertes en Europe et en Asie et datent de l’âge du bronze, vers 1600 avant notre ère. Les Égyptiens, les Grecs et les Romains reconnaissaient déjà les qualités exceptionnelles des fibres d’ortie. Ils les utilisaient pour fabriquer des vêtements, des cordages et des voiles pour leurs navires. Pour la petite histoire, même si l’on apprend dans certains manuels d’histoire que les momies étaient enveloppées dans des bandelettes en coton, il n’en est rien. Les égyptologues ont découvert que ce coton étant en réalité constitué de fibres d’ortie. Il s’agit en réalité d’une plante cousine de notre grande ortie : la ramie, aussi appelée ortie de Chine (Boehmeria nivea). Elle était cultivée et poussait d’ailleurs naturellement en abondance sur les bords du Nil.
Au fil des siècles, l’utilisation des fibres d’ortie s’est répandue dans différentes régions du monde, notamment en Asie où elles étaient couramment employées dans la production de papier.
En Europe, l’ortie a été largement cultivée et utilisée pendant le Moyen Âge et la Renaissance. Cependant, avec l’essor de la production de coton et de lin, et la découverte de fibres synthétiques au XIXe et XXe siècles, l’utilisation des fibres d’ortie a progressivement décliné. Néanmoins, face aux préoccupations environnementales grandissantes et à la recherche de solutions durables, l’ortie connaît un regain d’intérêt aujourd’hui.
Les qualités exceptionnelles des fibres de l’ortie
Tout d’abord, les fibres d’ortie sont extrêmement solides, affichant une résistance à la traction 8 fois supérieure à celle du coton. De plus, les fibres d’ortie ont des propriétés antibactériennes et antifongiques naturelles. En outre, les fibres d’ortie sont biodégradables et compostables, réduisant ainsi leur impact environnemental en fin de vie. Ces fibres possèdent enfin une capacité de régulation thermique remarquable. Les textiles réalisés conservent en effet la chaleur par temps froid tout en évacuant l’humidité lorsqu’il fait chaud.
Contrairement à la culture du coton, cultiver l’ortie nécessite peu d’eau et d’engrais chimiques. L’impact environnemental du secteur du textile pourrait considérablement diminuer grâce à elle. L’ortie est par ailleurs l’une des plantes sauvages les plus abondantes et donc faciles à trouver. Pour moi, il s’agit de la plante idéale pour fabriquer une corde en fibres naturelles.
Extraire les fibres des orties pour fabriquer de la corde
La méthode rapide pour fabriquer de la ficelle puis de la corde consiste à récolter les tiges d’ortie lorsqu’elles sont à maturité, généralement en automne, puis à les laisser sécher pendant environ 15 jours afin de faciliter l’élimination des feuilles. Si vous souhaitez produire un volume important de fibre, il est préférable de cueillir l’ortie avant qu’elle ne développe pleinement ses rameaux pour faciliter le processus, c’est-à-dire vers les mois de mai et juin. On écrase ensuite les tiges à l’aide d’un maillet (ou votre chaussure). Cela permet de séparer les fibres de la partie ligneuse. On peigne ensuite les fibres pour retirer les débris restants et les aligner correctement. On peut ensuite commencer à fabriquer de la ficelle puis de la corde.
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La méthode népalaise d’extraction des fibres de l’ortie
Si vous avez pour projet de fabriquer de la fibre d’ortie à des volumes importants, vous pourriez peut-être vous inspirer de la méthode utilisée par près de 80 000 villageois népalais. Au Népal, après avoir été récoltées, les tiges de l’ortie de l’Himalaya (Girardinia diversifolia) sont débarrassées de leurs feuilles et de leurs poils urticants à l’aide d’une serpette. Elles sont alors vidées de leur moelle puis séchées au soleil pendant 3 jours.
Ils font ensuite bouillir les fibres dans de l’eau additionnée de cendre de bois pendant 2 à 3 heures. Elles macèrent alors une journée complète dans l’eau qui refroidit. Les fibres sont ensuite lavées à la rivière avant d’être battues, séchées puis filées.
La méthode de François Couplan pour fabriquer de la ficelle
Comme l’indique François Couplan dans son ouvrage Le guide de la survie douce – vivre en pleine nature : « traditionnellement, les plantes sont coupées lorsqu’elles sont vivantes, puis mises pendant plusieurs mois à « rouir », c’est-à-dire à pourrir dans l’eau jusqu’à ce que seules restent les fibres, que l’on doit ensuite laver puis peigner. »
En survie, nous n’avons pas vraiment le temps d’attendre. C’est la raison pour laquelle François Couplan conseille d’utiliser les tiges d’ortie morte que l’on rencontre dans la nature.
Extrait de l’ouvrage Le guide de la survie douce
« Il faudra les casser délicatement et en retirer les fibres en gardant ces dernières aussi longues que possible. Il ne reste plus qu’à transformer les fibres en ficelle :
– Roulez les fibres entre vos mains puis séparez-les entre vos doigts pour en briser les parties d’écorce morte inutiles et les en faire tomber ;
– Prenez une épaisseur de fibres d’environ 2 mm et roulez-la entre les doigts pour obtenir un fil grossier ;
– Tenez ce dernier au milieu, entre le pouce et l’index de la main gauche et repliez-en les deux brins vers la droite, l’un au-dessus
de l’autre ;
– Mouillez légèrement le pouce et l’index de la main droite et prenez entre eux le brin supérieur, le plus près possible des doigts de la main gauche ;
– Roulez-le fermement dans le sens des aiguilles d’une montre, en accompagnant le mouvement du poignet;
– En même temps, allez chercher avec le majeur droit le brin inférieur, coincez-le entre le majeur et l’index (sans que ce dernier et le pouce ne lâchent le premier brin) et tournez le poignet droit en sens contraire des aiguilles d’une montre jusqu’à sa position de départ, en gardant la main gauche parfaitement immobile.
– Le brin inférieur est devenu le supérieur, et vice-versa.
– Vous pouvez lâcher les deux brins de la main droite (qu’une double-torsion maintient en place) et recommencer le processus.
– Dès que le fil devient trop mince, il faut ajouter de nouvelles fibres entre le pouce et l’index de la main gauche (qui avancent d’ailleurs régulièrement, au fur et à mesure de la confection de la ficelle) et les tordre avec ceux qui étaient déjà en place.
On peut continuer ainsi indéfiniment… »
Comment fabriquer de la ficelle grâce à l’ortie ? Vidéo explicative
Le processus de création d’une corde grâce à de la ficelle consiste à assembler des “torons” composés de plusieurs fibres. En assemblant plusieurs torons, on obtient des ficelles ou des cordes plus ou moins résistantes. Un minimum de deux torons composés de plusieurs fibres est nécessaire pour fabriquer une corde ou une ficelle. J’ai déniché une vidéo de 7 minutes très bien réalisée et qui devrait vous aider.
Vous connaissez à présent certaines techniques pour extraire la fibre de l’ortie et fabriquer de la corde à la main. Pour aller plus loin, sentez-vous libre de consulter mon article consacré aux nœuds les plus utiles en survie.
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Sources
-Couplan, François (2002) : le guide de la survie douce – vivre en pleine nature. Sang de la Terre, Paris. Consultable ici.
-Tissier, Yves (2009) : les vertus de l’ortie. Le Courrier du livre, Paris. Consultable ici.
-Bertrand, Bernard (2005) : les secrets de l’ortie. De Terrans, Aspet. Consultable ici.
-Gustin, Yves (2018) : le guide de la survie en 1500 dessins. Rustica, Paris. Consultable ici.
-Wiseman, John (2016) : aventure et survie. Hachette, Vanves. Consultable ici.