Les plantes toxiques sont utiles. L’article pourrait commencer et se terminer ainsi. Ce serait rapide et efficace, mais à part hocher de la tête et acquiescer, cela n’apporterait rien. Je souhaite réagir parce qu’il est nécessaire de faire évoluer les consciences et notre perception du monde. Voici le commentaire Facebook qui m’a incité à écrire ces quelques mots. C’est un article un peu déstructuré, mais l’essentiel y est.
La plante dont il est question est un arum d’Italie (Arum italicum). Il s’agit effectivement d’une plante très toxique puisqu’elle renferme des raphides d’oxalate. Ces derniers percent les muqueuses et provoquent un œdème. On peut donc mourir par étouffement si on avale cette plante, qui n’est toutefois pas considérée comme invasive.
Pour la petite histoire, malgré la forte toxicité des arums, les racines riches en amidon étaient consommées après avoir été bouillies très longuement et en ayant changé souvent l’eau de cuisson. Depuis l’Antiquité, on en extrayait de la fécule. C’est toujours utile à connaître…
Toutes les plantes sont utiles
Les plantes toxiques, comme tous les organismes vivants, font partie intégrante des écosystèmes et jouent des rôles écologiques spécifiques. Leur présence dans l’environnement reflète la diversité biologique et les processus évolutifs naturels. Ces plantes peuvent avoir des effets négatifs sur la santé humaine, animale ou sur d’autres plantes lorsqu’elles entrent en contact ou sont consommées, mais elles contribuent également à la biodiversité, à la structure et au fonctionnement des écosystèmes. En bref, ce n’est pas parce qu’elles ne sont pas utiles pour nous qu’elles sont inutiles.
Les plantes toxiques peuvent servir de nourriture ou d’habitat à certaines espèces d’insectes, d’oiseaux ou d’autres animaux qui se sont adaptés à leurs toxines. Par exemple, certaines espèces de papillons dépendent de plantes toxiques pour leur cycle de vie, les larves se nourrissant des feuilles et accumulant les toxines pour se protéger des prédateurs. Par exemple : “le séneçon de Jacob est une plante toxique indigène, qui se propage de plus en plus dans les milieux exploités de manière extensive. Véritable atout pour la biodiversité (il nourrit 35 espèces d’insectes butineurs), il peut présenter un risque pour les animaux nourris avec le fourrage contaminé” rappelle Natagriwal.
Il en est de même pour les plantes considérées comme invasives. Je pense notamment à la plus connue, la renouée du Japon. C’est une plante exceptionnelle à plus d’un titre. Elle peut pousser de 1 à 8 cm par jour, créant ainsi une biomasse qui pourrait être utilisée ; elle est comestible et pousse même en cas de sécheresse extrême ; les abeilles l’apprécient énormément, etc. J’ai rédigé un article complet sur cette plante si cela vous intéresse.
Enfin, les plantes toxiques peuvent jouer un rôle dans la régulation naturelle des populations végétales et animales, contribuant ainsi à l’équilibre écologique.
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Plantes toxiques liées à l’histoire de l’humanité
La plupart des plantes toxiques et mortelles sont de près ou de loin liées à l’histoire de l’humanité. Il existait un savoir-faire transmis de génération en génération pour les utiliser au mieux sans prendre trop de risques. Ces plantes toxiques font partie de patrimoine de l’humanité.
Le datura (Datura stramonium), surnommé herbe du diable, est une plante toxique associée à la magie noire, utilisée sous forme d’onguent, philtres ou fumigations. Les graines ingérées provoquent des délires et des hallucinations pouvant aller jusqu’à la mort. L’onguent était appliqué sur les muqueuses anales ou vaginales grâce à un balai… Cela permettait d’éviter les risques d’une prise orale.
La belladone (Atropa belladonna), également connue sous le nom de cerise du diable, était utilisée pour ses propriétés hallucinogènes et comme composant dans les brouets de sorcellerie.
Je peux aussi évoquer la jusquiame noire (Hyoscyamus niger) ou de la mandragore (Mandragora officinarum). Ces plantes toxiques sont utiles aujourd’hui ? Je ne crois pas, en tout cas, pour l’Homme. Mais qui sait ce que la science découvrira dans quelques années ?
Se débarrasser des plantes toxiques pour protéger les enfants ?
Il existe des exceptions, notamment en ce qui concerne les enfants. Vous ne laisseriez peut-être pas une plante mortelle dans votre jardin en sachant que votre progéniture y passe son temps. Pourtant, dès qu’il a l’âge de comprendre, vous pourriez lui enseigner à reconnaître cette plante qu’il ne faut ni toucher ni goûter. Lorsqu’il grandira, vous l’inviterez peut-être à froisser quelques feuilles entre ses doigts. Il sentira une odeur caractéristique qu’il associera à la plante. Une fois adulte, si la cueillette sauvage l’intéresse, il se sentira beaucoup plus libre et confiant. Beaucoup d’adultes ont peur de se lancer dans la cueillette de plantes sauvages par crainte de se tromper... et à juste titre.
Les plantes toxiques sont utiles dans le cadre d’une sensibilisation. Je rêverais de faire pousser un jardin de plantes toxiques et mortelles pour sensibiliser les familles. Un jour peut-être ?
La place de l’Homme
Il est facile d’arracher une plante toxique ou une mauvaise herbe de son jardin. La réalité est qu’il est bien plus difficile de la laisser vivre, d’autant plus si “elle est inutile”. Elle peut apparaître un jour pour apporter du relief et de la vie à un gazon moribond. Sa présence pourrait vous énerver et réveiller votre besoin de contrôle sur votre terrain et dans votre vie. Le jour où vous déciderez de laisser vivre cette plante parce que vous l’acceptez en tant qu’être vivant, votre perception du monde pourrait changer.
Vous verrez chaque jour cette inconnue à travers la fenêtre de votre bureau. Vous la verrez grandir et s’épanouir sous le soleil et la pluie. Les voisins vous demanderont peut-être en ricanant si vous comptez mettre de l’ordre au jardin : “ce n’est pas très propre.” De merveilleuses fleurs finiront par apparaître, attirant de nombreuses abeilles. Vous ne les avez jamais vues auparavant… Elles sont effectivement magnifiques..
Vous l’aurez compris, je fais partie des idéalistes.