La cueillette de plantes sauvages est une pratique qui, je m’en réjouis, connaît un regain d’intérêt ces dernières années. Malheureusement, ce développement s’accompagne parfois d’attitudes qui sont contraires aux règles d’une cueillette responsable. Qu’il s’agisse de remplir des sacs entiers de bulbe d’ail des ours, de cueillir le seul spécimen d’une espèce de plante aux alentours, ou de prélever le bourgeon terminal d’un pin sylvestre… cela témoigne principalement d’un manque de connaissance.
Et en soi, c’est normal, on commence tous quelque part. Il m’est moi-même arrivé au début de ne pas penser à l’impact que ma cueillette pouvait avoir sur la plante et l’environnement en général. L’essentiel est de faire de notre mieux, notamment en s’interrogeant et en s’informant sur les conséquences de notre cueillette individuelle.
Pour profiter collectivement des bienfaits de la cueillette sauvage tout en préservant l’environnement, il est essentiel de suivre certaines règles.
Cueillir avec modération
Quand on a la chance de voir une quantité impressionnante d’une même plante au même endroit, on peut ressentir l’envie de “se faire plaisir”. On doit toutefois essayer de se maîtriser et cueillir seulement ce qui est nécessaire. La règle est de ne jamais cueillir plus qu’un tiers des plantes d’une même station. Bien sûr, ça dépend aussi de la plante, des parties que l’on cueille et du contexte. Par exemple, si vous cueillez sur une zone régulièrement tondue, vous pouvez très bien prélever toutes les parties végétatives des plantes peu avant la tonte.
S’il s’agit d’une plante annuellePlante dont le cycle de vie ne dépasse pas une année., il n’y a aucun problème à la cueillir à la fin de son cycle de vie tout en répandant ses graines.
Glaner sur différentes plantes
Pour diminuer au maximum l’impact de notre cueillette, l’idéal reste de glaner ici ou là quelques feuilles ou quelques fruits sur des plantes différentes. Vous laissez ainsi la possibilité à toutes les plantes de survivre, de continuer de se développer et même de se reproduire.
Ne pas cueillir les plus belles plantes
Il est réellement difficile de se tenir à cette règle mais elle est pourtant là aussi essentielle pour une cueillette responsable. Nous ressentons naturellement l’envie de cueillir les plus belles plantes. Après tout, si les feuilles sont plus grandes, on en cueille moins et ça prend moins de temps… Pourtant, si cette plante est plus belle, robuste ou grande que les autres, cela signifie peut-être qu’elle s’est mieux adaptée à son milieu. Il semble donc préférable de la laisser se reproduire pour qu’elle puisse transmettre ses gènes.
Éviter d’arracher les racines sauf si c’est nécessaire
On s’en doute, mais arracher la racine d’une plante revient à la tuer. Mieux vaut donc éviter si possible dans le cadre d’une cueillette responsable. On peut bien sûr s’adapter en fonction des plantes. C’est selon leur abondance, leur usage comestible ou médicinal, etc. Il serait difficile de profiter de la racine de la carotte sauvage (Daucus carota) sans la cueillir… C’est par ailleurs une plante commune souvent présente en nombre. En ce qui concerne d’autres plantes, je pense notamment aux racines de la valériane officinale (Valeriana officinalis) ou les bulbes de l’ail des ours (Allium ursinum), il faut se mesurer.
Utiliser les bons outils
On peut prélever les feuilles et certaines tiges à la main (grâce au pouce et l’index) mais certaines parties sont parfois trop coriaces. On peut également utiliser une paire de ciseaux ou un couteau bien aiguisé pour faire une coupe nette sans abîmer le reste de la plante. Personnellement, je préfère utiliser une petite serpette.
Ne pas cueillir le premier spécimen d’une espèce rencontré
L’ethnobotaniste François Couplan recommande de ne jamais cueillir le premier spécimen d’une espèce rencontré, mais d’attendre d’en voir plusieurs autres. C’est une approche inspirée de pratiques amérindiennes permettant de s’assurer de l’abondance relative de l’espèce avant de la prélever.
Préserver les espèces rares ou protégées
Il est indispensable de ne jamais cueillir les espèces rares ou menacées, les plantes protégées au niveau national ou régional, et les plantes dans les zones écologiques sensibles. Renseignez-vous sur les listes d’espèces protégées de votre région et abstenez-vous de cueillir en cas de doute. Parfois, il existe aussi des limitations quantitatives.
Voici quelques liens qui pourraient vous aider :
Approfondir ses connaissances pour pratiquer la cueillette responsable
Approfondir ses connaissances permet de mieux comprendre les conséquences de la cueillette sur les plantes. Avec le temps, on peut ainsi s’adapter en fonction de chaque espèce. N’hésitez pas à participer à des stages et à vous procurer des ouvrages spécialisés sur la cueillette des plantes sauvages comestibles.
Au départ, on peut retenir que la cueillette des parties végétatives, comme les feuilles et les tiges, a moins d’impact, surtout au printemps, car les bourgeons latéraux situés à l’aisselleAngle, souvent aigu, formé à la jonction entre la tige principale d'une plante et le point d'insertion d'une feuille ou d'un pétiole. des feuilles permettent tout de même à la plante de se développer. La cueillette stimule par ailleurs la croissance de certaines plantes vivacesPlante pouvant vivre plusieurs années. et permet de profiter de jeunes pousses toute l’année. C’est notamment le cas de la grande ortie (Urtica dioica).
Les plantes annuellesPlante dont le cycle de vie ne dépasse pas une année., qui meurent à la fin de l’année, sont particulièrement sensibles à la cueillette, car elles doivent produire des graines pour assurer leur descendance. Comme indiqué plus haut, mieux vaut donc les cueillir en fin de cycle.
Il faut particulièrement faire attention avec la cueillette des arbres comme le pin sylvestre (Pinus sylvestris). En effet, cueillir le bourgeon terminal d’un rameau risque d’arrêter la croissance de l’arbre. On prélève seulement les bourgeons latéraux.
Cueillir avec conscience et gratitude
J’ai personnellement une vision animiste du monde et je considère chaque plante comme un être vivant qui mérite mon respect. Je ne les vois pas comme une ressource à m’approprier. Cette perspective me permet de ressentir de la gratitude pour chaque nouvelle rencontre. Je prends également le temps de cueillir chaque plante en pleine conscience et je la remercie. Je peux aussi disséminer ses graines pour l’aider ou apporter des oléagineux dans la forêt en signe de reconnaissance.
Ainsi, la cueillette se transforme en une pratique méditative qui me reconnecte à la nature et me rappelle que la plante et moi-même faisons tous les deux partie du vivant. Cette dernière proposition n’est pas à proprement parler une règle à suivre dans le cadre d’une cueillette responsable et éthique. C’est selon les sensibilités de chacun. Si cette approche sensible résonne en vous, je vous recommande la lecture de l’ouvrage La voix des dévas, écrit par Dorothy Maclean.
Vous pouvez si vous le voulez développer cet état d’esprit.